Philippe Jonneskindt est passé nous voir à LaTéléLibre, avec ses (grands) enfants, il y a quelques semaines. On en a profité pour lui payer une bière au bar, Matthieu et Julien à la caméra, et John Paul au micro. C’est l’occasion de mieux connaître l’auteur de l’excellente série (en cours) sur les Totals de Dunkerque. Cet artiste plasticien, devenu vidéaste dès les premier mois de LaTéléLibre, est un de nos correspondants les plus productif et expérimental. Nous sommes fiers de le compter dans notre belle équipe.
Réalisation:
John Paul Lepers
Image: Matthieu Martin et Jérôme Lanteri
Montage: Bozena Klub

La notion de “ territoire ” est ici prétexte à croiser le regard de deux artistes.

Les territoires protègent, recueillent, contraignent ou excluent. Ils s’enracinent dans le pré-humain, dans l’éthologie avant de soulever des questions d’éthique ou devenir sciemment des enjeux de pouvoir, de forces et de domination.

S’ils se manifestent par la frontière, le barrage, le mur ou la limite, les territoires sont également d’ordre invisible, structurant la psyché en ses accroches identitaires, ses fixations. Là cohabitent des constellations d’univers, là se répètent les traditions... Les territoires ouvrent et ferment le champ des possibles, reconduisent les amours et les haines...

Plasticien, vidéaste mais aussi installateur, Philippe Jonneskindt ne peut se résigner à rester récepteur passif de l’actualité mondiale. Cet artiste du nord de la France tient son regard fixé sur des zones sombres de l’actualité... “L’intensité affective de l’événement dicte le choix du sujet, souvent traité en série. La répétition permet une exploration plastique qui déborde régulièrement du thème initial et enrichit ainsi sa lecture ”. Par ses traitements esthétiques, Philippe Jonneskindt force le regard, captive et touche le cœur. Tout autant il inquiète en soi le sujet frivole, friand d’insouciance.

Les thèmes issus des mass-médias prennent ici une dimension autre, se singularisent, insistent et s’incrustent dans les pores de notre subjectivité. Dans la série intitulée “ immigration ”, la symbolique du sphynx à tête de mort (un papillon migrateur) évoque de manière subtile et non tranchée le devenir des migrants, tout autant l’ordre du monde. En parallèle, ses œuvres sur cartes marines, annotées, gravées, colorées, renvoient à des topologies incertaines, aux charges émotionnelles ou aux dramaturgies qui accompagnent tout “ voyage ”, nécessairement unique.

Photographe, Zoé Zachos participe en 2007 à une mission d’observation en Palestine. Les clichés qu’elle rapporte ne sont pas l’œuvre d’un reporter de guerre, d’un journaliste, d’un militant... En ce sens, ses oeuvres échappent à la focale habituelle : elles sont le fruit des errances de l’artiste, fruit d’un rapport intime qu’elle a pu établir avec ce qui - malgré toutes les difficultés et les enjeux spectaculaires – reste une zone d’habitat humain.

Ici l’image ne sert pas une cause, ni la sienne propre ni une autre qu’elle- même, ni même la marchandisation de sa force émotive. Comme partout ailleurs, à Jérusalem, Naplouse ou (...), la vie chemine et coule à travers les obstacles, tente de se maintenir et de se perpétrer. L’anodin en témoigne par delà l’événementiel. Par delà les enjeux et les points de vue de toutes sortes sur ces territoires, chaque instant de vie forme le corps du réel. Chaque instant en est l’ultime expression. En cela tout clivage est dépassé et nous ne pouvons, de cette commune intrigue, que nous sentir plus solidaires.

Jean-Philippe Goffaux

Responsable des expositions du CEME (Charleroi-Espace-Meeting-Européen)

Interviews réalisés suite à la projection du film «David contre Goliath», qui relatait les 9 mois de grève du personnel de la raffinerie des Flandres à Dunkerque, du groupe Total.